Portrait enseignant : Stéphane Gaiffe

Publié le 1 Janvier 2011

Article publié par Aurore

 

Stéphane est l'un des fondateurs du Gonojukan et l'initiateur de sa section Self-Défense.

 

STEF

 

Stéphane, peux-tu nous préciser ton parcours martial ?

J'ai débuté la pratique de l'Aïkido en 1995 à Morteau. A cette époque il n'y avait pas le choix qu'on a aujourd'hui en terme de pratique martiale et l'Aïkido était ce qui me semblait le plus complet (frappes, saisies, clés, projections, immobilisations, armes...). C'est ce qui m'a séduit.

Je me suis immédiatement investi à fond et dès mes premiers mois de pratique j'ai commencé à faire régulièrement des stages avec Tamura Senseï. Pour des raisons professionnelles, je me suis installé à Besançon en 1998, et j'ai quitté petit à petit le dojo de Morteau trop éloigné. C'est ainsi que j'ai rejoint la FFAAA en 2000 au dojo Franc-Comtois et ça a été la révélation en découvrant l'Aïkido de Christian Tissier ! J'ai ensuite créé le Gonojukan en 2006, avec Aurore. 

A un moment j'avais besoin de m'aérer un peu martialement et je souhaitais développer le travail des atémis (frappes). C'est ainsi que j'ai pratiqué les boxes pieds-poings pendant quelques années au BBTS de Besançon avec Mohand Hakkar. Ce club avait une approche muti-styles essentiellement axée sur le Full-Contact et le Kick Boxing mais nous pratiquions aussi régulièrement la boxe Thaï. J'ai été très satisfait car cela m'a permis de comprendre le travail sur les angles, les ouvertures et la gestion de la distance, qui, sur le ring, est très vite sanctionnée en cas d'erreur ! 

Comme Mohand Hakkar nous proposait régulièrement du combat complet, je me suis rendu compte que mon bagage technique d'aïkidoka me permettait de faire pas mal de choses mais que je manquais cruellement de techniques de soumissions au sol... C'est ainsi que je suis venu au Judo-Jujitsu que j'ai pratiqué avec Dominique Marchiset pendant 6 ans, au dojo de la Gendarmerie de Besançon puis au PSB. Cette pratique me semble très complémentaire à celle de l'Aïkido car les principes sont sensiblement les mêmes. J'ai enrichi mon vocabulaire technique avec notamment les sutemi, le travail au sol, les balayages... Mais le manque d'autonomie du Jujitsu au sein de la FFJDA est devenu trop frustrant, pesant. C'est ensuite un peu par hasard que j'ai découvert la pratique du Jeet Kune Do et du Kali Escrima avec Alexandre Lamy. Je pratique toujours ces disciplines qui ont de grands points communs techniques avec l'Aïkido, tout en abordant des déplacements et des axes différents. En fait, j'ai presque toujours pratiqué 2 ou 3 disciplines martiales simultanément. J'ai aussi pratiqué plus sporadiquement le MMA, le Taïchi, le Close Combat... chacune de ces expériences enrichissant les autres. Mais l'Aïkido est toujours resté ma discipline de base pendant 15 ans et elle a profondément influencé mon attitude corporelle et martiale.

J'ai aussi toujours été très investi dans la pratique du sabre japonais (Aïkiken, Iaïdo, Kashima...) parallèlement à la pratique à mains nues. Je donne des cours d'armes au Gonojukan toutes les semaines. Il me semble que le travail des armes, quelles qu'elles soient, est fondamental pour la compréhension du travail à mains nues. 

Ma motivation première en montant sur le tatami il y a quinze ans était de pratiquer un art martial pour apprendre à me défendre. C'est dans cette optique que j'ai toujours pratiqué plusieurs disciplines, avoir une approche technique aussi complète que possible du combat en privilégiant toujours l'approche Self-Défense à l'approche sportive

 

Qu'entends-tu par approche Self-Défense ou sportive ?

Beaucoup de pratiquant d'arts martiaux ou de sports de combat ont une idée très vague de ce que peut être la self-défense. Ainsi les combattants de MMA ont souvent le sentiment qu'ils seront efficaces en self-défense parce qu'ils ont un bagage technique complet et qu'ils ont l'habitude du combat. La self-défense n'a rien à voir avec un combat sportif, il n'y a pas de règles, on n'est pas prévenu à l'avance, pas préparé, on ne connaît pas son adversaire, on ne maîtrise pas la configuration des lieux, le sol est dur, encombré, glissant, les adversaires peuvent être plusieurs, armés, complètement défoncés.

Aller sciemment au sol avec un adversaire armé alors qu'il peut y avoir plusieurs agresseurs est ainsi une stratégie très risquée. De même certaines clés peuvent véritablement nous "attacher" à un adversaire et nous empêcher de gérer plusieurs agresseurs.

Contrairement aux sport de combat ou aux arts martiaux traditionnels, la Self-Défense intègre un avant (renforcement de la vigilance, attitude corporelle, négociation...) et un après (connaissances juridiques, alerte des secours...). On doit apprendre à lire une situation (utilisation de l'environnement, analyse de l'agresseur...), ainsi, suivant l'habillement d'un agresseur les techniques à employer ne seront pas les mêmes ! On peut aussi utiliser des objets usuels (les fameux EDC : "Every Day Carry"). La self-défense ne se limite donc pas à l'adaptation de techniques traditionnelles ou sportives dans une situation un peu plus réaliste.

 

 

selfdefense9

 

Quel rapport entretiens-tu entre les arts martiaux traditionnels et la Self-Défense ?

Je suis issu des arts martiaux traditionnels qui sont mon fondement martial par le biais de l'Aïkido. Puis je suis passé à une adaptation Self-Défense de ces techniques par le biais du Jujitsu, par une phase sports de combat pieds-poings pour finalement découvrir les arts martiaux philippins qui sont d'une martialité extrême.

Selon moi les arts martiaux traditionnels sont un formidable outil pour façonner le corps et l'esprit. C'est un socle solide sur lequel on peut se construire martialement. C'est pour cette raison que je continue à pratiquer et enseigner l'Aïkido. Les sports de combat sont une phase intéressante qui permet de se mettre dans une situation plus réaliste d'opposition, de violence physique ou psychologique. C'est un passage quasi-nécessaire, très formateur mais il faut avoir l'esprit compétitif pour s'y épanouir. La Self-Défense est une mise en application des principes appris, plus que des techniques qui ne sont qu'un support, et surtout la prise en compte d'une globalité. Les techniques servent à forger le corps et à proposer des solutions mais c'est l'homme qui est derrière qui fera tout. Si on est surpris, pas prêt, blessé ou apeuré, il est trop tard pour appliquer la technique. Et si on l'applique sans discernement et qu'on doit finir ses jours en prison, le gain n'est pas forcément évident... C'est pourquoi la Self-Défense se doit d'englober tous ces aspects. 

 

selfdefense6

 

La Self-Défense que j'enseigne provient essentiellement des arts martiaux japonais (même s'il y a aussi une influence des arts martiaux philippins ou du Krav-maga), je la définirai donc comme un Bujutsu Self-Défense basé en partie sur les principes Aïki (Aïkido ou Aïkijutsu) qui sont la base de mon travail - avec un ajout de frappes et de percussions très présentes - et de Jujitsu parce que je privilégie des solutions qui exploitent la force de l'adversaire.

La difficulté de la Self-Défense c'est que les techniques enseignées doivent être réellement efficaces, avec un apprentissage rapide et accessibles au plus grand nombre. On peut raffiner le panel techniques pour des pratiquants aguerris mais il faut que les techniques de bases soient applicables pour tous, hommes, femmes, enfants, jeunes ou vieux. En ce sens la formation suivie au sein de l'Association Nationale de Self-Défense avec Guy Mennereau a été fondamentale dans la constitution de mes cours.

 

 

Existe-t-il des certifications en Self-Défense ?

Pas vraiment, les seules certifications sérieuses existant dans le domaine de l'enseignement des arts martiaux sont les brevets ou diplômes d'éducateur sportifs délivrés par l'Etat. Mais ceux-ci ne concernent qu'une poignée de disciplines (Aïkido, Karaté, Judo, Taekwondo, Wushu...). C'est pourquoi la Self-Défense est souvent enseignée par des personnes issues des arts martiaux traditionnels qui se contentent d'adapter les techniques qu'ils connaissent. Ainsi par exemple le Judo ou le Karaté ont leur propre système de self-défense (Judo-Jujitsu, Karaté-Jitsu ou Karaté défense). Mais ces systèmes sont très (trop ?) spécialisés, un prof de Judo ne maîtrisant en général pas le travail de frappes ou un prof de Karaté ne maîtrisant pas forcément les étranglements ou les clés.

Pour choisir un prof de Self-Défense, un BEES ou DEJEPS en arts martiaux est un gage de sérieux sur le plan pédagogique (diplôme d'Etat validant une solide formation) mais il est nécessaire qu'il ait une connaissance de tous les aspects techniques d'un combat (esquives, frappes pieds-poings, clés, étranglements, projections, soumissions, défenses contre armes etc...). Un bon enseignant aura donc forcément pratiqué plusieurs arts martiaux.

Il existe aussi des qualifications par le biais d'organismes indépendants tel que l'ANSD (Association Nationale de Self-Defense) qui est un organisme sérieux, la sélection pour participer à cette formation étant assez exigeante. C'est une formation très complète qui est suivie par de nombreux professionnels (membres de forces de l'ordre ou d'unité d'intervention...). Ce type de formation permet d'avoir une prise en compte globale, théorique et pratique des problématiques posées en Self-Défense.

Il faut aussi faire un distingo entre une Self-Défense civile et des techniques adaptées des méthodes militaires. Le cadre légal n'est pas le même et on peut enseigner à un militaire des techniques qui seront répréhensibles dans un cadre civil.

 

 

Quels sont tes préférences sur la plan techniques ?

J'aime beaucoup les clés et les étranglements, mais ce sont des techniques parfois difficiles à passer dans une situation réelle et qui permettent de gérer un seul agresseur. Je pense que la base de l'apprentissage concerne l'esquive et les frappes. Si on sait éviter les coups et frapper correctement on peut déjà se sauver de bien des situations dangereuses. De plus c'est accessible à tout le monde, pas besoin de qualités physiques particulières pour esquiver, balancer un coup et s'enfuir. Mais techniquement il faut être complet, avoir un bagage technique en clés, projections, contrôles, débout et au sol, contre un ou plusieurs adversaires, armés ou non. Les techniques servent à éduquer le corps et l'esprit, plus on a un bagage technique sûr, plus on peut faire face à des situations diverses et surprendre son agresseur. 

Je privilégie toujours un travail debout parce que je pense qu'en situation réelle il est toujours risqué d'aller au sol même si on maîtrise son sujet. Il est cependant nécessaire de savoir se débrouiller au sol parce que ça peut être le choix de l'agresseur de nous y emmener. Il faut privilégier des techniques simples, efficaces et rapides à mettre en oeuvre mais il est aussi nécessaire d'être polyvalent.

Après chaque pratiquant doit avoir ses préférences et ses spécialités. Suivant qu'on est grand ou petit, filiforme ou large, qu'on a des grands segments ou non, on ne sera pas fort dans les mêmes secteurs du combat. Chacun doit puiser dans un répertoire technique large pour se construire son attitude martiale.

 

 

 

Faut-il des qualités particulières pour participer aux cours de Self-Défense ?

Non, pas vraiment. Le but est justement que chacun soit apte à se défendre avec son physique, ses aptitudes. On ne peut pas tout apprendre, tout maîtriser et être bon partout. Si on est déjà grand, fort et vif il n'est peut-être pas nécessaire d'apprendre à se défendre !

J'ai des élèves âgés de 75 ans dans certains cours, et le système que je leur propose avec deux premiers niveaux d'apprentissage basés sur les esquive, les frappes, le renforcement de la vigilance, l'utilisation de l'environnement et des objets quotidiens leur est parfaitement accessible. A des élèves plus jeunes et plus "techniques" je peux enseigner des clés, des projections ou des techniques de contrôles. Chacun doit pouvoir apprendre à se défendre ou se protéger efficacement en Self-Défense, il faut ensuite adapter sa pédagogie et les techniques enseignées suivant les publics.

Chacun a ses points forts et ses faiblesse et doit pouvoir évoluer à son rythme et en fonction de ses objectifs. Il n'y a pas de compétitions, pas d'obligations. Je préfère privilégier une pratique studieuse mais dans la détente et la bonne humeur, l'entraînement doit être vécu comme un jeu, il y a un aspect ludique certain.

C'est donc tout le contraire d'une pratique sportive ou compétitive puisqu'il faut rester capable de se défendre quelque soit son âge et sa condition physique. Pour cela l'entraînement doit être régulier et doit être vecteur de plaisir donc se dérouler dans la bonne humeur, le respect mutuel et dans un environnement sécurisé.

 

 

 

Un dernier mot ?

Il ne faut pas avoir peur d'essayer ! Souvent les gens se font des films sur les clubs d'arts martiaux ou sur la Self-Défense. C'est accessible à tous et les cours sont remplis de gens "normaux" sympas et respectueux... venez juger par vous-même !


 

selfdefense8

 

Présentation - Diplômes, grades et expérience martiale :

Aïkido

Ceinture Noire 2e Dan Aïkido UFA

CN 2e Dan Aïkikaï (Tokyo)

BEES 1er degré Aïkido

DEJEPS Aïkido

 

Jujitsu

Instructeur CN Atemi Jujitsu (EAJJ)

Champion Franche-Comté Judo-Jujitsu en 2007

 

Kenjutsu

Instructeur Kenjutsu

 

Boxe pieds-poings

Pratique du Full-contact et Kick-Boxing

 

Self-Défense

Instructeur Diplômé 2e Degré Self-Défense ANSD

 

Autres

Pratique du Jeet-Kune-Do et du Kali Escrima

Pratique occasionnelle du MMA

Lieutenant (Réserve) - Médaille de Bronze de la Défense Nationale

Pratique du Close-Combat

AFPS


Rédigé par self-defense-besancon.over-blog.com

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :